La Divine com¨¦die ivre

Malcoml Lowry, d¨¦couvert en France par Maurice Nadeau et Max-Pol Fouchet, premiers fervents admirateurs d'Au-dessous du volcan, suivis de plusieurs g¨¦n¨¦rations de lecteurs, reste pour beaucoup, l'auteur d'un unique roman, livre incandescent qui br?le des feux de l'enfer, de l'alcool, de la passion du R¨¦el et des mots, et consume le protagoniste comme l'auteur. Consume et r¨¦g¨¦n¨¨re ¨¤ la fois: si l'auteur semble avoir d¨¦pens¨¦ toute son ¨¦nergie cr¨¦atrice dans l'¨¦criture de son chef-d'oeuvre de sorte que, hormis quelques nouvelles dans les revues, tous les textes publi¨¦s ensuite le seront ¨¤ titre posthume, ce roman est bien la pierre angulaire du projet de grand-oeuvre auquel Lowry travailla toute sa vie. D'abord limit¨¦ ¨¤ trois romans et cens¨¦ composer, selon les mots de l'auteur, une "Divine com¨¦die ivre", ce projet - proph¨¦tiquement intitul¨¦ Le Voyage qui ne finit jamais - en viendra ¨¤ s'¨¦tendre pour englober l'ensemble de la production litt¨¦raire lowryienne.
Pour certains, Lowry ne put jamais d¨¦passer Au-dessous du volcan, ne cessant de reprendre les m¨ºmes th¨¦matiques avec plus ou moins de succ¨¨s. Mais la lecture de l'ensemble de ses textes permet d'observer ¨¤ quel point la r¨¦p¨¦tition est centrale ¨¤ l'oeuvre, qu'elle affecte de mani¨¨re structurelle et dont elle contribue ¨¤ expliquer les fulgurances tout autant que les ¨¦checs. La r¨¦p¨¦tition et ses diff¨¦rentes d¨¦clinaisons, ressassement et reprise, permettent en effet de rendre compte de l'unit¨¦ d'une oeuvre parcourue par des motifs obsessionnels. Si ceux-ci menacent parfois de faire basculer les textes dans le solpsisme et la r¨¦p¨¦tition ¨¤ l'identique, ils sont pourtant la plutart du temps, gr?ce au travail de l'¨¦criture, ce qui la nourrit, lui conf¨¦rant une architecture et un rythme qui permettent ¨¤ l'auteur d'approcher la b¨¦ance du R¨¦el, d'apprivoiser le vertige et d'amener ¨¤ sa suite le lecteur ¨¤ faire cette exp¨¦rience des limites. En outre, la r¨¦p¨¦tition permet d'avancer les hypoth¨¨ses quant ¨¤ l'inach¨¨vement de l'oeuvre en montrant combien ce dernier est inh¨¦rent ¨¤ sa production. R¨¦p¨¦titions, ressassement, reprise : c'est bien l¨¤ que l'oeuvre lowryienne trouve tout ¨¤ la fois son enfer, son purgatoire et son paradis.